La Bee sur le GR20 regarde l'horizon depuis les montagnes
La Bee sur le GR20

Comme je vous le disais dans mon récit précédent concernant ce périple « Un GR20 pour Théo contre Lyme », nous avons décidé avec Morgane de doubler les étapes 2 et 3 du nord du GR20.

Quand nous avions évoqué cette éventualité en amont de l’aventure, cela nous avait certes inquiétées, mais pas plus que cela concernant la distance.

Pourtant, et c’est bien là l’un des enseignements du GR, il ne faut pas s’y fier : en effet, nous aurions eu davantage de temps sur place, nous ne l’aurions pas fait.

De toutes les étapes, c’est certainement une de celles qui m’a le plus impressionnée : qui dit courte distance sur le GR20, dit souvent parcours très technique.

Elle comportait de plus l’une des difficultés sur lesquelles j’avais particulièrement travaillé en amont, en méditation : la fameuse passerelle de Spasimata.

Comme vous avez pu le lire lors de mon Ultra Trail Raramuri au Mexique, les ponts suspendus et moi, on n’est pas particulièrement copains.

Pourtant vous verrez que cela n’a pas été le plus problématique.

Alors certes, j’ai le vertige, mais avec le Covid, je pense que mes sensations et la fatigue engendrées ont été démultipliées.

Retour sur la deuxième partie de notre journée avec cette étape 3 qui a mis nos nerfs à très rude épreuve…

ETAPE 3 DU GR20, DE CAROZZU A ASCO

Profil de l'étape 3
étape 3

Quand on regarde les caractéristiques de l’étape, on s’attend à une portion plutôt courte et tranquille.

Mais il n’y a pas d’étape semblable à une promenade de santé sur le GR20.

On pourrait d’ailleurs écrire une fable à la manière de La Fontaine, dont la morale serait : « Ne vous fiez pas à une courte distance, elle cache parfois une épreuve bien plus longue ».

Les caractéristiques de l’étape ?

Distance : 4,2 km

Dénivelé positif : 797 m

Dénivelé négatif : 636 m

Altitude max : 1997 m

Altitude min : 1223 m

Temps estimé : 6 h 30

GR20 OU PARCOURS ACCROBRANCHE ?

La fameuse passerelle suspendue de Spasimata sue le GR20
Passerelle de Spasimata sur le GR20

Après avoir quitté le refuge de Carozzu un peu tard, nous tombons rapidement sur une pancarte indiquant la passerelle de Spasimata à 15 minutes.

Et là, les choses sérieuses commencent : nous arrivons vite sur des dalles plongeant dans le vide, avec des câbles.

Premières suées et pas seulement liées à la chaleur écrasante : nous avons en effet bien compris que le poids du sac est un véritable handicap sur ce type de passage.

Un randonneur me double et je décide de lui emboîter le pas, pour me donner un peu de force.

Mes jambes tremblent, je ne dis mot pour ne pas transmettre mon stress à Morgane.

Passerelle de Spasimata sur le GR20
La passerelle tant redoutée de Spasimata sur le GR20

J’agrippe fermement le câble, comme si ma vie y était suspendue. C’est d’ailleurs un peu l’impression que j’ai en parcourant la dalle.

Nous parvenons sur un petit balcon qui nous permet de reprendre un peu nos esprits. On aperçoit, en contrebas, la fameuse passerelle.

Mais nous découvrons également un nouvel obstacle pour y parvenir : un tout petit bout de roche avec une main courante qui permet d’y accéder.

Je serre les fesses, mais j’avance en respirant (vive les pranayamas en yoga !) : un père et son fils, rencntrés au refuge, m’ont en effet dit que seul le début de l’étape était particulièrement technique.

Intérieurement, je pense alors que nous avons fait le plus dur…

Je scrute alors LA fameuse passerelle qui a hanté quelques-unes de mes nuits depuis plusieurs semaines.

Elle est là, devant moi : j’observe ses premières lattes métalliques particulièrement espacées. En-dessous, le vide !

Des gaillards, un peu plus haut, profitent dans des éclats de rire tonitruants des eaux fraîches d’une baignoire naturelle.

Je prends une profonde inspiration et avance calmement sur la passerelle branlante.

Pas à pas, je fixe le point d’arrivée.

Contre toute attente, je la franchis assez sereinement.

J’arrive de l’autre côté sous les applaudissements des baigneurs bruyants.

Quelle fierté de m’être ainsi dépassée !

UNE VIA FERRATA SUR LE GR20 ?

Morgane me rejoint sous la même salve d’applaudissements.

Nous sommes fières de cet exploit qui nous a paru dérisoire par rapport au franchissement des premières dalles.

Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines : après quelques mètres, de grandes dalles surplombant le vide s’offrent à nos yeux ébahis.

Pas de doute, la trace blanche et rouge, ainsi que de jolies chaînes, nous indiquent que c’est le bon itinéraire.

Je peste un peu, lâche un « oh putain ! » qui deviendra un peu ma phrase culte lors des différents passages techniques que nous rencontrerons.

Y aurait-il une via ferrata sur le GR20 ?

Nous allons passer une bonne partie de la montée à côtoyer le vide, d’abord aidées de chaînes.

Puis nous évoluons sur des roches coupantes, sur lesquelles mes mains sont devenues mes meilleures amies : j’ai d’ailleurs laissé quelques bouts de chair lors de cette escalade.

Nous ne parlons plus : un faux pas et c’est la chute.

J’ai des maux de tête, des frissons (peur ou fièvre ?), comme une barre derrière la nuque. Au bout de quelques minutes, je sens mes jambes frêles. Pas de doute, j’ai de la fièvre, mais l’appréhension est aussi présente.

Nous faisons des pauses avec Morgane, nous réjouissant de chaque obstacle surmonté.

Je fais part de mes vertiges, mais Morgane trouve les paroles pour me booster.

Qu’il est bon d’être entre amies, sans pression ! Au fond de moi, je suis tout de même contente de lui montrer que les multiples séances de sophrologie qu’elle m’a prodiguées ont été efficaces.

Je m’accroche, je prends sur moi pour monter le plus rapidement possible, sortir de ce bourbier.

L’heure tourne et cette montée nous semble interminable.

Puis nous empruntons un pierrier qui débouche enfin sur la Bocca di a Muvrella.

Oubliées les terreurs et les peines générées par cette montée !

Le panorama est extraordinaire !

Les montagnes sur le GR20
Somptueuses montagnes du GR20

Mais il ne faut pas perdre trop de temps : il nous reste une longue descente pour parvenir jusqu’à Asco.

Je veux y arriver avant la nuit : mes maux de tête se sont amplifiés. Je ne m’imagine pas descendre à la frontale la longue pente raide qui nous attend.

UNE DESCENTE SUR LES ROTULES

Je pense ne pas avoir été toujours très lucide en abordant cette descente, entre fièvre et fatigue. C’est d’ailleurs peut-être mieux ainsi.

Très vite, à partir de la Bocca di Stagnu, nous avons aperçu 600 mètres en contrebas le village de Asco-Sagnu.

C’est dingue comme on peut reprendre espoir en apercevant au loin deux toits d’habitations !

Mais nous allons vite nous rendre compte qu’il reste un long chemin à parcourir, au milieu de roches hautes, de sentiers glissants.

Un vrai casse-pattes cette descente vers Asco !

Définitivement, je suis plus à l’aise avec les montées. Je n’ai au moins pas la même perception du vide.

La nuit commence à tomber, nous sommes à bout de forces : deux étapes doublées dans le nord (dont une variante sur la précédente qui a rallongé le parcours), avec un sac à dos de 13 kilos, ce n’est franchement pas une bonne idée.

J’entends un cri de Morgane : elle vient de chuter et comme elle le dira elle-même, elle a eu la chance que ses fessiers l’arrêtent.

De mon côté, j’ai des vertiges et ma lucidité commence à flancher. Nous décidons de nous arrêter pour grignoter un morceau.

Il ne faut plus perdre de temps : la pénombre s’installe.

Nous parvenons dans une forêt de pins et branchons nos frontales. Peu à peu nous regagnons la civilisation…

UNE ARRIVÉE DANS UN REFUGE ENDORMI

Quel bonheur d’arriver enfin au refuge ! Il est 21 h 30.

Mais il n’y a plus personne pour nous accueillir et nous indiquer l’endroit des campements.

Nous croisons un groupe de randonneurs: ils nous applaudissent en apprenant que nous arrivons après avoir doublé les étapes, dont une en variante.

Pas de gardien de refuge à l’horizon !

Nous n’avons pourtant qu’une hâte : prendre une douche !

Notre vœu va vite être exaucé grâce à un filet d’eau particulièrement frais.

Faute de gardien, nous nous attribuons un emplacement de tente vide que nous règlerons le lendemain.

Mon ventre gargouille. On nous a justement indiqué un restaurant un peu plus loin.

Un peu de confort ne nous fera pas de mal !

Mais vu l’heure, nous nous heurtons à un refus.

Je pousse alors la porte d’un café que des jeunes sont en train de nettoyer.

Comme un miracle, le gérant accepte de nous vendre quelques fruits, une Orezza bien fraîche et une part de fiadone !

Je suis aux anges devant ce festin partagé sous la tente, à la frontale, mais exténuée…

Je m’endors comme une masse avec une toux sèche qui vient me gratter la gorge.