Ce week-end se déroulait en Isère, du 22 au 26 août, le fabuleux événement de l’UT4M dont je vous ai déjà longuement parlé dans plusieurs articles.

Une course qui me tient à coeur, car comme je vous l’ai déjà dit, c’est un peu celle qui m’a mis le pied à l’étrier pour les ultras : l’an dernier, j’étais en effet finisher de mon premier trail en montagne, en arpentant le massif de la Chartreuse et en finissant au pied du podium dans ma catégorie.

Mais j’avais surtout accompli un incroyable travail sur mon vertige et m’étais senti pousser des ailes pour voler vers d’autres horizons : le Half Marathon des Sables, puis l’Ultra Run Raramuri en avril dont le parcours affichait 190 kilomètres pour plus de 10000 D+, le tout en autosuffisance.

C’est donc avec une certaine ardeur que je m’étais inscrite dernièrement à l’UT4M Master, soit 95 kilomètres et 5500 D+.

Mais j’ai découvert qu’en montagne, rien n’est jamais acquis, et que malgré toute la bonne volonté que nous pouvons mettre dans nos préparations, plusieurs paramètres peuvent nous échapper le jour J…

Quand l’avant-course rime avec convivialité

« La météo risque de ne pas être clémente », « Il va y avoir de la neige », « On n’a pas de chance : cela fait des semaines qu’on est en pleine canicule, et justement ce week-end, on annonce une chute des températures »…

Ces quelques bribes de phrases échangées entre coureurs lors du retrait de mon dossard ne m’avaient pas particulièrement interpellée : la météo n’est pas un paramètre qui me dérange en trail, je peux courir par tous les temps.

Sauf que je ne cours quasiment jamais en montagne, je n’ai donc pas véritablement conscience du potentiel danger que cela peut représenter.

J’étais passée au contrôle très strict du matériel obligatoire et j’étais rassurée de savoir qu’il ne me manquait rien : « Une chute des températures, ça se gère », m’étais-je dit.

La météo n’est jamais très fiable en plus, il faut bien le dire : on ne va tout de même pas passer de la canicule à l’hiver ?

J’ai donc débarqué le samedi matin sans trop de stress à Grenoble, à 3 heures 30 du matin.

À peine sortie du taxi, je reconnais le minois familier d’Éric, un trailer avec lequel j’ai échangé plusieurs messages pendant notre préparation, mais que je ne connais que virtuellement.

On s’embrasse et on rigole : il est bientôt 4 heures et on se demande ce qu’on fait là, devant les navettes, avec nos têtes de déterrés.

On monte dans un bus qui nous conduit à Uriage où le départ aura lieu à 6 heures.

Ambiance ouatée : certains finissent leur nuit, tandis que d’autres ingurgitent barres et autres denrées gastronomiques du coureur pour charger à bloc leurs batteries.

Zéro stress et je me sens même plutôt bien : j’envisage ma course comme une préparation avant le Half Marathon des Sables de Fuerteventura, je viens découvrir un nouveau massif – j’ai déjà arpenté la Chartreuse deux fois – et prendre du plaisir.

Sur place, nous rencontrons Arnaud, un copain de la région parisienne : nous pestons ensemble quand on nous informe d’un nouveau contrôle du matériel obligatoire, même si nous le comprenons.

Je ne suis pas organisée et ai dû me livrer à un véritable jeu de Tétris pour faire rentrer mon matériel obligatoire et le reste : mon sac ressemble davantage à un fourre-tout qu’au Camelbak d’une bonne petite ultra traileuse et je pâlis en me disant qu’il va falloir se creuser les méninges pour tout y remettre.

Mais tant bien que mal – je pencherais plutôt vers le mal – j’arrive à tout tasser après les contrôles et je vais me positionner dans le sas avec Arnaud.

Ce dernier s’endort sur ses bâtons : le stress monte, le coup d’envoi est donné…

En route pour les sommets…

Après un petit tour de parc où quelques supporters scandent les noms de leur favori, nous faisons un galop d’essai en montant vers le Château d’Uriage, avant de passer aux choses sérieuses avec Belledonne.

Je souris en entendant l’animateur brailler dans son micro et songe aux curistes qui sont dérangés dans leur sommeil récupérateur et thérapeutique.

Les jambes tournent bien, les voyants sont au vert, j’adopte une marche rapide sans m’essouffler.

Le jour se lève et je me sens bien, perdue dans ce silence parfois troublé par le bruit de l’accroche d’un bâton.

J’ai hâte de voir les somptueux lacs dont Nico m’a souvent parlé : je souris en le soupçonnant de m’avoir caché quelques balcons susceptibles d’éprouver mon vertige.

Mais tout se passe plutôt bien : le balisage est parfait et pas de souci de vertige.

La brume matinale met juste un peu de temps à s’évanouir, masquant certains panoramas que je tente de deviner.

Le parcours est très technique et alterne sentiers – plutôt des singles – couverts de racines et pierres, voire rochers : je ne suis pas dépaysée, j’ai un peu connu cela au Mexique.
Mais Dieu que cela monte ! Il faut vraiment y aller pas à pas et imprimer un rythme.

Arrivée à Chamrousse, je me ravitaille et fais un petit point mental : les jambes tournent sans douleurs, la tête est là, je profite !

Heureusement d’ailleurs, car le pire reste à venir…

Choc thermique sur Belledonne

Mais que s’est-il passé ce week-end sur les cimes de Belledonne ?

Comme vous le savez, je suis adepte de cryothérapie, mais j’aime choisir les heures de mes séances !

Telle une anguille sournoise, le froid s’est peu à peu insinué, sans réellement prévenir : un invité dont on aimerait mieux se passer !

Ma tête a commencé à tourner, assez rapidement, et j’ai fait un premier malaise : j’ai vomi.

Un coureur s’est empressé de venir me voir : je l’ai rassuré en lui disant que c’était juste une réaction après un effort intense, que j’allais manger un peu.

Mais la sensation de froid s’est amplifiée…

Dans la montée vers la croix de Chamrousse, je me suis arrêtée pour enfiler des gants : sujette au syndrome de Reynaud, mes doigts se sont ankylosés, vous savez, cette sensation désagréable qu’on peut les casser, rien qu’en les effleurant.

Arrivée au ravitaillement, je décide de boire un café pour me réchauffer, mais je n’arrive même pas à décrocher mon gobelet : je ne remercierai jamais assez la petite bénévole qui me l’a enlevé et a fermé mon sac.

J’ai l’impression que mes doigts ressemblent à des Knackis – une de nos comparaisons récurrentes avec Mimi au Mexique – et qu’ils vont tomber.

Je regarde les personnes emmitouflées sur le ravitaillement et vois du givre : ce sont mes cheveux, certainement humides, qui ont gelé !
Des bénévoles nous distribuent des buffs UT4M pour nous couvrir le cou et les oreilles : le ressenti est alors en-dessous de zéro.

Je décide de vite reprendre ma route pour ne pas me refroidir plus, mais le mal a déjà frappé : je vomis de nouveau et me sens plus faible dans les montées qui me paraissent titanesques.

Jusqu’au Grand Colon, je subis ma course : ma tête est comme enserrée dans un étau, mes yeux pleurent : que se passe-t-il ?

Je fais une pause pour apprécier le paysage au sommet, je me convaincs intérieurement que tout va s’arranger, tout ne peut d’ailleurs que s’arranger, car je suis là pour vivre ma passion, prendre du plaisir…

Mais rien à faire, la descente jusqu’à Freydières est un vrai supplice : je lutte pour garder les yeux ouverts et avancer.

Dans la dernière descente avant le ravitaillement, j’aperçois mini Bee qui vient à ma rencontre : il me fait un câlin et je le serre très fort, je n’ose lui parler de mes problèmes et attends de voir mon conjoint et Nicolas pour le faire.

Nico me donne deux trois conseils – hydratation, repos… – avant de repartir et je me force à ingurgiter quelques fruits secs.

L’énergie semble revenir et je décide de poursuivre : on est au kilomètre 40 et je n’ai rien gardé depuis le vingtième kilomètre…
Mais les choses ne vont pas aller en s’arrangeant, et une dizaine de minutes plus tard, je vomis à nouveau.

Un jeune trailer vient prendre de mes nouvelles – je repartirai d’ailleurs avec lui et nous nous perdrons pendant un bon kilomètre.

À partir de ce moment, rien ne va plus et je branche mon GPS mental, mon pilotage automatique : « Arrivée à la base de vie de Saint-Nazaire dans 15 kilomètres, avancez tout droit » !

Moi qui suis adepte des portions plates pour relancer, je n’ai cette fois pas du tout apprécié la vallée qui reliait à Saint-Nazaire.

Arrivée à la base de vie, j’ai été prise en charge par les secours qui m’ont conseillé de ne pas repartir, comme je n’arrivais plus à m’alimenter.

J’ai tenté de me reposer, de m’alimenter un peu, mais rien à faire.

54 kilomètres, fin de l’aventure…

Mes impressions de Bee

Je ne vais bien sûr pas vous dire que cet arrêt a été plaisant, mais étonnamment, je ne l’ai pas mal vécu : il est dur de courir le ventre vide, avec des douleurs !

Les abandons font malheureusement partie du parcours des ultra trailers, comme bon nombre me l’ont déjà expliqué : ils sont plus vécus comme une expérience que comme un échec.

La longue distance force à l’humilité, rien n’est jamais joué…

J’ai appris plus tard que plusieurs trailers n’avaient pas suivi le même parcours – pas de montée au Grand Colon, ni à Chamechaude à cause de la météo – et avaient emprunté un sentier de repli : tant mieux pour eux, on ne va pas refaire l’histoire.

Mais je suis surtout satisfaite d’avoir parcouru Belledonne, un massif dont j’avais beaucoup entendu parler, que ce soit pour l’UT4M ou L’échappée belle.

Les sentiers sont fort techniques et les côtes de vrais murs : j’ai pourtant apprécié cette traversée de lacs, de prairies et ces raidillons qui nous ont conduits bien souvent au-dessus des nuages.

Je n’ai quasiment pas eu le vertige et ai réussi à mettre en application les préceptes vus lors de mes séances de sophrologie avec Morgane.

Le chemin est encore long pour être complètement à l’aise, mais c’est justement cette aventure qui vient pimenter mon parcours et provoque de l’excitation, qui motive la Bee.

Rassurez-vous, cette expérience est loin de m’avoir dégoûtée, bien au contraire : ma détermination est renforcée.

Je ne vis pas dans le passé, mais en tire des leçons, et n’ai qu’une hâte : vivre une nouvelle expérience déjantée qui viendra enrichir mon parcours d’ultra traileuse…

Je tenais à vous remercier pour votre soutien et vos adorables messages si vous me lisez…

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