La Bee détend ses muscles dans l'eau fraîche des vasques d'Asco en Corse
Baignade dans les vasques d’Asco GR20

Retour sur le GR20, après le récit de ces deux étapes (2 et 3) doublées.

J’avais oublié de dire précédemment que nous avions bien rallongé la deuxième avec une variante de 6 kilomètres supplémentaires.

Inutile de préciser que le réveil à la station du Haut Asco n’a pas été simple : entre la fièvre, ma toux, la fatigue, s’extirper de la tente a relevé du challenge.

Pour nous remettre du périple de la veille, nous avons décidé de nous offrir un bon petit-déjeuner au café de la station : un vrai luxe, parfait pour nous requinquer !

Si certains décident de partir pour le fameux Cirque de la Solitude (qui ne fait plus partie du parcours depuis le tragique accident de 2015) accompagnés d’un guide, nous avons préféré le buffet gargantuesque proposé au restaurant du coin.

À chacun son GR et nous n’avons rien à prouver : nous sommes venues nous faire plaisir, pas pour épater la galerie (une tendance sur les réseaux).

Pour ma part, je me sens aussi investie de ma mission de maman voulant sensibiliser à la maladie de Lyme.

Après avoir rechargé les batteries à coups d’œufs brouillés, de pain frais complet (un luxe !), de fruits et de charcuterie, nous retrouvons nos esprits pour aborder l’étape du jour.

ÉTAPE 4 : Ascu Stagnu – Tighjettu

Carte de l'étape 4 du GR20
Carte de l’étape 4 du GR20

Sur le papier, cette étape ne paraît pas très difficile.

Mais une fois de plus, il faut se méfier : il s’agit en effet de l’une des plus redoutées du GR20.

En voici les caractéristiques :

DISTANCE : 7 km

DURÉE ESTIMÉE : 8 heures

DÉNIVELÉ + : 1220 m

DÉNIVELÉ – : 1105 m

ALTITUDE MAXIMALE : 2607 m

La forme n’est franchement pas au rendez-vous : je n’aien effet pas l’entrain habituel que je peux ressentir sur mes périples, comme sur l’Ultra Run Rajasthan ou l’Ultra Run Raramuri.

Je commence fortement à suspecter le COVID.

Nous faisons un point rapide avec Morgane. Nous tombons rapidement d’accord : nous emprunterons donc une variante moins technique pour gagner le refuge de Tighiettu.

Le Monte Cinto, plus haut sommet corse (2706 m) se passera de nous !

Y grimper est d’ailleurs optionnel sur le GR : beaucoup de randonneurs, selon leur forme et le temps, le contournent.

Le patron du café valide notre décision : il confirme en effet qu’il s’agit d’une des étapes les plus techniques et éprouvantes.

Il nous indique alors une des variantes : nous parcourrons beaucoup plus de kilomètres en suivant dans un premier temps la route, mais cela ne nous affole pas plus.

Même si je ne me sens pas particulièrement bien, j’ai envie de profiter un peu de ma journée.

Mieux vaut allonger le parcours sans prendre trop de risques sur des arêtes ou des plaques trop techniques.

Mais c’est sans compter certains paramètres inattendus…

UN DÉPART EN PLEIN CAGNARD

Morgane fait une pause dans les vasques sur le GR20
Pause fraîche de Morgane dans les vasques

Ai-je eu le nez fin avant de prendre le départ ?

J’ai pris une photo d’une pancarte publicitaire mentionnant une station de taxis. Sait-on jamais !

Une fois nos affaires emballées, nous reprenons la route, direction le village, avant de revenir vers Tighiettu.

Nous cheminons à l’ombre des pins, la chaleur devient intense.

Les arrêts sont nombreux pour s’hydrater et se tartiner de crème solaire.

Nous apercevons de magnifiques vasques et décidons au bout de quelques kilomètres d’y faire un arrêt.

C’est aussi un peu notre philosophie du GR20 : profiter de chaque instant, de la beauté des lieux, des moments entre amies, de ce véritable cadeau qui nous est offert.

L’eau fraîche a un fabuleux pouvoir : elle relance en effet la circulation de nos jambes engourdies, mais elle revigore aussi notre mental.

Après une bonne pause, nous repartons avec davantage d’entrain dans cette gorge sinueuse.

L’ombre fait bien vite défaut.

Mais le plus dur reste à venir…

QUAND LES VACHES CORSES CHARGENT UNE LIMOUSINE

Le taureau qui nous a chargées sur le GR20
Le taureau corse, fauteur de trouble

Après l’un des innombrables lacets que nous empruntons, nous tombons nez à nez avec trois vaches.

Rien d’affolant, me direz-vous, car les bovidés sont légion sur les sentiers du GR20 depuis le début de l’aventure.

Impassibles, elles mâchonnent en général quelques herbes sèches et regardent sans trop y prêter attention les randonneurs bien chargés.

« Gare aux vaches corses ! »

Que s’est-il alors passé ? Est-ce la couleur flashy de ma visière, ou mes bâtons qui leur semblaient trop menaçants ?

Un taureau s’est avancé vers nous et a commencé à gratter le sol de ses sabots, la tête baissée.

Je ne suis pas spécialiste en langage animalier, mais clairement la bête semblait prête à nous charger.

Nous avons donc rapidement rebroussé chemin avec Morgane pour nous mettre à l’abri.

Notre deuxième tentative de progression a connu la même issue : clairement, l’animal a manifesté de l’agressivité.

La cause ? Nous n’avons pas compris s’il s’agissait de notre équipement, du bruit que nous faisions.

Ou le taureau a-t-il ressenti une potentielle rivalité bovine avec mes origines limousines ?

Quelques minutes plus tard, les bêtes se sont allongées sur le bord de la route, barrant le passage.

Barrage routier de bovidés en Corse
Zoom sur le barrage routier de bovidés en Corse

Il nous faut prendre une décision, car la route par cette variante est bien plus longue.

Nous n’avons pas vraiment d’alternative : il n’y a que ce chemin entre le ravin et les pentes abruptes de la montagne.

Autant vous dire que le trafic est loin d’être dense sur cette portion !

Nous décidons donc d’appeler un taxi. Mais le réseau ne couvre pas la zone et nous n’aurons jamais de réponse.

Aux grands maux les grands remèdes !

Nous nous arrêtons à l’ombre d’un arbre avec les vaches en ligne de mire.

Objectif : faire du stop et contourner le barrage des bovidés !

Mais à l’instar des vaches, nous ne semblons guère inspirer confiance aux rares voitures qui sillonnent ces gorges.

SOLIDARITÉ ENTRE TRAILEURS

?os sauveurs corses sur le GR20
Nos sauveurs corses sur le GR20

Après deux ou trois esquives (comprenez plus familièrement des vents !), je finis par me mettre légèrement au milieu de la route. Là, miracle ! Une voiture s’arrête.

Deux hommes avec des sourires rassurants baissent leur vitre pour nous écouter : je leur explique rapidement la situation, on en plaisante.

Il s’agit de deux traileurs qui redescendent de la station d’Asco, après avoir fait leur entraînement. On ne pouvait pas mieux tomber !

Ils sont eux-mêmes étonnés de la réaction du taureau. Ils proposent de nous descendre dans la ville de Ponte Leccia.

L’heure a tourné et selon eux, nous n’aurons jamais le temps de gagner à pied le refuge.

Notre forme n’étant pas optimale et vu les circonstances, nous sommes bien contentes de monter dans ce carrosse inespéré.

Dans la voiture, les discussions vont bon train concernant nos courses, nos vies, le GR, la Corse.

Ils nous arrêtent dans un bar où nous décidons de partager un verre.

De ce point, notre objectif d’atteindre Tighiettu à pied et nos sacs chargés, dans la soirée, leur paraît improbable.

Ils nous proposent alors les services d’un ami qui peut nous rapprocher du refuge.

À ce moment là, nous mettons notre fierté de côté : nous n’avons pas de marge supplémentaire pour finir le GR et nous voulons mettre les chances de notre côté pour faire un maximum de chemin.

Je me sens encore bien faible et Morgane est elle aussi fatiguée après ces 12 kilomètres, plus longs que l’étape prévue.

Nous acceptons donc avec gratitude la proposition.

DIRECTION LA BERGERIE DE BALLONE

Campement des bergeries de Ballone
Campement des bergeries de Ballone

Depuis le début de notre périple, tous les randonneurs rencontrés nous avaient parlé de la Bergerie de Ballone. Or nous avions réservé un emplacement à Tighiettu.

Nous avons alors décidé de nous faire plaisir, après cette journée mouvementée. Nous avons de nouveau changé nos plans (n’y a-t-il que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ?)

Après un parcours un peu mouvementé en 4X4, nous avons fini par atteindre la bergerie où nous avons retrouvé quelques connaissances.

Il est toujours agréable de retrouver d’autres randonneurs croisés sur les sentiers.

L’un d’entre eux, Romain, m’avouera avoir été très inquiet en me voyant repartir sur le GR dans cet état fiévreux.

« Au moins, si tu as le Covid, il n’y aura pas foule de cas contacts ! » me lance-t-il en plaisantant. Il ne croit pas si bien dire…

Pour que Morgane puisse se reposer pleinement, je lui propose de prendre une autre tente : entre la fièvre et la toux, mes nuits sont assez agitées et je culpabilise un peu de ruiner les siennes.

L’éventualité du Covid ne lui fait pas peur, car elle a reçu sa dose de vaccin peu de jours auparavant.

Terrasse des bergeries de Ballone
Terrasse des bergeries de Ballone

Nous découvrons enfin les avantages qui ont bâti la réputation de ce lieu : des douches chaudes, une cuisine généreuse et goûteuse, un accueil au top.

Sur les conseils de nos amis traileurs, nous décidons d’alléger nos sacs en laissant quelques plats lyophilisés et du matériel sur une table, à disposition d’autres randonneurs.

L’humeur est particulièrement joviale au sein de cette bergerie.

Après le festin, nous gagnons chacune notre tente respective, sans douter du succès que rencontrera Morphée en nous prenant dans ses bras…

Pour clore cet épisode, je tiens à remercier particulièrement notre belle rencontre du jour : deux charmants traileurs (qui se reconnaîtront) avec lesquels nous avons pris du plaisir à discuter, à refaire le monde.

J’ai vraiment culpabilisé en apprenant par la suite que j’avais le Covid, même si j’ai fait attention.

Mille merci une fois encore à tous les deux de votre aide, vos conseils, votre générosité et votre bienveillance !

Ce sera un plaisir de vous recroiser dans notre jungle urbaine ou sur des sentiers plus sauvages…