La Bee à l'arrivée de Saint-Sozy assise sur sa planche Itiwit
L’arrivée de la Bee au 70e kilomètre de la Dordogne Intégrale

Après vous avoir présenté ce fameux challenge, il me reste à vous faire mon récit de la Dordogne Intégrale en sup.

Soyez indulgents, je ne suis que novice sur ce genre de défis : je ne pratique en effet qu’épisodiquement le stand up paddle depuis plus de deux ans. Mais ma passion est telle que je me suis inscrite l’an dernier en club : s’il n’y avait pas eu ce fichu virus, j’aurais eu un peu plus d’entraînement.

j’ai donc dû composer avec mon humble niveau : mais cette Dordogne Intégrale en sup, qualifiée de course extrême, fut une véritable découverte à bien des niveaux…

Une montée de stress

4h30 ! Le réveil sonne. Je me lève péniblement de mon matelas de fortune (j’ai en effet dormi à même le sol, ayant pris la décision de participer en dernière minute) pour préparer mes petites affaires.

« Mais pourquoi s’infliger de telles contraintes ? » Telle est ma première réflexion en regardant dans le miroir mes yeux bouffis de fatigue.

Je ne suis en effet pas prête à venir à bout d’un tel challenge : je n’ai jamais fait plus de 16 kilomètres en stand up paddle. Or la Dordogne Intégrale en sup, ce n’est pas moins de 130 kilomètres !

Mes petits bras de criquet vont exploser !

Même si le challenge me paraît surhumain à ce stade de ma pratique, je pousse néanmoins la porte de mon hébergement pour gagner le camping municipal d’Argentat où sera donné le départ.

Est-ce la nuit qui est froide ? Ou le stress commence-t-il à monter ? Certes, je n’aime pas tous les côtés pratiques autour du sup : charger le matériel, ne rien oublier, penser à sa tenue, régler sa pagaie, gonfler son sup. Rien à voir avec le running qui est en effet bien moins encombrant. Mais quand la passion vous dévore…

Une heure avant le départ de la Dordogne Intégrale en sup

Lorsque j’arrive au stade, je suis saisie par le silence et la brume qui plane. Pas âme qui vive à l’horizon. Vans, camping-cars stationnent sur le parking obscur. La panique me saisit : en effet, comment faire pour rester discrète alors que je dois gonfler mon sup Iitiwit avec ma pompe électrique ? Tout le camping et les environs d’Argentat risquent de maudire l’importune qui vient troubler cette quiétude.

Je décide donc de me diriger vers le bureau de remise des dossards où il me semble avoir aperçu de la lumière. Je découvre alors avec bonheur deux aficionados de la course qui partagent un petit-déjeuner diététique d’avant-course, à base de pâté, saucisson et café. Leurs rires sont jovials et nous échangeons quelques plaisanteries. Je leur fais alors part de mon appréhension qui gronde vis-à-vis des rapides.

Avec du recul, je bénis leur bienveillance et ma naïveté : ils me rassurent en me disant que ce n’est pas facile sans expérience, mais que les glissières (terme qui ne désignait alors rien de concret pour moi) peuvent se passer à genoux si on les prend bien. Puis ils me disent de me détendre, qu’ils en sont à plusieurs Dordogne Intégrale en sup et que tous les ans, malgré la casse et les chutes, ils finissent par revenir. L’aventure est en effet trop belle !

Je repars donc ragaillardie vers ma voiture, prête à gonfler ma planche : je n’ai en effet plus qu’une demi-heure devant moi. Quelques participants ont émergé de leurs véhicules. Je branche ma pompe sur mon allume-cigares, non sans une certaine gêne, prête à briser le silence des lieux. Je la glisse sur la place conducteur pour atténuer son grondement sourd. Et c’est parti pour huit minutes à « se taper l’affiche ! » comme dirait mon fils.

Un départ dans l’obscurité

Départ de la Dordogne Intégrale dans la nuit
Un départ dans l’obscurité

Enfin, le marteau-piqueur s’arrête : j’ai atténué tant bien que mal le grondement et ai attiré quelques concurrents curieux autour de ma planche Itiwit. La plupart en effet vont prendre le départ avec des boards rigides et se demandent pourquoi j’ai fait le choix d’un sup gonflable ?

Mais il n’est plus l’heure d’épiloguer, j’ai un départ qui m’attend. Encore faut-il le trouver. Je remonte vers le camping et croise un groupe convivial de paddlers de Lacanau en pleine pause-café. Visiblement, ils ne sont pas en stress contrairement à la Bee : ils me demandent en effet de les prendre en photo avant de gagner le rivage. Comme j’aimerais être aussi détendue et sûre de moi à ce moment-là !

Puis je prends conscience que la nuit est vraiment noire : or je n’ai pas pris de frontale. Moment de panique : comment vais-je avancer sur ces flots sombres, moi la Bee novice qui il y a à peine deux ans était complètement tétanisée à l’idée d’être sur et dans l’eau ?

On nous informe que le départ sera justement donné avec un peu de retard, mais il faut le rejoindre en une dizaine de minutes sur une eau opaque. Mes vieux démons ressurgissent alors. Mille pensées se bousculent dans mon esprit : il est encore temps de faire demi-tour, je n’ai rien à prouver.

Mais une force irrésistible me conduit, sans se soucier de mes doutes, vers le point de départ.

Le bain de 7 heures

Adrénaline, quand tu nous tiens ! Le départ est donné et adieu mes angoisses, mes peurs et mes vieux démons ! Je pagaie sans réfléchir pour ne pas trop me laisser distancer.

Mais les ennuis pointent vite le bout de leur nez : j’aperçois en effet au loin un mouvement sur l’eau.

Voilà, je vais affronter mes premières rapides… ou plutôt les subir. J’observe les concurrents non loin de moi, leur posture, leur manière d’aborder le monstre, MON monstre qui hante depuis peu quelques-unes de mes nuits.

Je ne vais pas inventer de figures libres pour mon baptême, le jour n’est de plus pas encore totalement levé : j’ai en effet décidé de les franchir à genoux pour avoir davantage de stabilité.

Je ne saurais vous dire si j’ai fermé les yeux ou non, mais j’ai jubilé après ce premier passage dont je suis sortie sèche comme un brin de paille. Je me suis même dit que si c’était cela les rapides, alors « même pas peur ».

Mais le pire allait arriver. J’ai cheminé avec deux jeunes femmes avec qui nous avons échangé et je me suis alors dit que l’aventure allait être belle. Elles m’ont donné des conseils, ayant soit déjà reconnu le parcours, soit ayant participé à une édition antérieure de la Dordogne Intégrale en sup. Elles m’ont averti que les 25 premiers kilomètres allaient être particulièrement sportifs, voire humides.

Propos rapidement vérifiés lors du passage d’une première glissière : alors que je pensais être aguerrie après mon premier passage, j’ai abordé sereinement une glissière qui produisait un certain bouillon.

J’ai chaviré et ai paniqué : en effet, entre la température fraîche de l’eau, ma planche qui est partie dans le courant et peut-être une certaine fierté entachée, j’ai alors pris peur. Impossible de me remettre sur pieds ! Des images négatives de noyade ont empli mon cerveau, tandis que Raphaelle me criait au loin de me mettre en position de tortue et de ne pas m’inquiéter pour ma planche.

Une première partie mouvementée

Après avoir constaté qu’il suffisait de se laisser porter par le courant grâce au gilet, je suis enfin parvenue à remonter sur ma planche. Les copines l’avaient en effet récupérée un peu plus loin.

Mais j’ai passé alors quelques moments dans la tourmente : en effet, je n’arrivais plus à tenir sur mes jambes tant je grelottais. Une sensation de froid tétanisait mes membres mouillés.

J’ai alors bien cru que j’allais devoir arrêter l’aventure au bout d’à peine 10 kilomètres. Nous avons également croisé des concurrents dans la tourmente : un kayak retourné, une pirogue cassée en deux.

Deux autres chutes dans des passages périlleux sont plus tard aussi venues ruiner mon plaisir : je me souviens en effet avoir pensé que le stand up paddle n’était pas un sport pour moi. J’ai même envisagé de revendre ma planche dès mon retour tant j’étais dépitée.

Mais heureusement, le soleil a alors fait son apparition et a changé la donne : j’ai en effet eu comme un déclic et ai alors commencé à apprécier l’aventure.

Un cadre enchanteur

Que de beaux villages traversés : Beaulieu, Carennac, Saint-Sozy !

Une vague d’ondes positives vers le trentième kilomètre a submergé mon esprit quand j’ai compris que je pouvais atteindre les 42,2 kilomètres tant espérés.

La Dordogne, après ces 30 kilomètres un peu mouvementés, est devenue d’une incroyable quiétude. De somptueuses falaises, des rivages verdoyants jalonnaient notre passage.

Seule ombre au tableau, le manque d’eau. J’ai bien apprécié alors de naviguer sur un sup gonflable, car bien des concurrents ont cassé leur embarcation. La mienne était juste parfaite, surtout sur du flat. J’ai ainsi apprécié chaque instant, osant même quelques postures de yoga pour me détendre.

Quel plaisir de partager ces moments avec Raphaelle et Ophélie !

J’ai adoré la convivialité qui existe entre les concurrents, qu’ils soient en kayak, pirogue, paddle ou canoë. Mais après le deuxième ravitaillement, on nous a indiqué une mauvaise direction : nous avons en effet navigué dans un bras mort étroit interminable avec de nombreux arbres et troncs renversés. Nous avons bien vite compris que ce n’était pas le bon parcours. Il nous a en effet conduites vers une glissière assez pentue et avec peu d’eau. J’y ai d’ailleurs laissé une dérive.

Si je n’avais pas partagé l’aventure avec Raphaelle, mon aventure aurait pris fin à ce moment. Mais par chance, elle avait un aileron de rechange qu’elle a accepté de me prêter. Nous savions à ce moment que nous n’avions plus aucune chance de boucler la course. Mais notre but était d’aller encore plus loin.

Une fin qui donne faim

Une fois l’aileron changé, nous avons abordé une jolie portion très flat.

Il a commencé à faire très chaud. J’ai profité alors de petits moments pour tremper mes jambes dans la fraîcheur de la Dordogne en guise de cryo. Nous avons navigué avec un canoë dont les concurrents, éreintés, on décidé de faire une pause pour se baigner sur une petite plage improvisée.

J’ai alors poursuivi mon périple dans un état quasi euphorique, voyant les kilomètres défiler : 50, puis 60. J’ai appelé ma famille pour les prévenir de l’incident de mon aileron et leur die de me retrouver au kilomètre 70. Mais entre temps, la forme est revenue.

J’ai laissé un peu Raphaelle naviguer de son côté pour ne pas troubler ses moments de quiétude : en effet, comme dans les ultra trails, j’ai connu sur la Dordogne Intégrale en sup des moments d’introspection, presque plus forts d’ailleurs.

Quand j’ai aperçu le ravitaillement de Saint-Sozy, au kilomètre 70, j’ai alors éprouvé des sentiments contradictoires : la joie de retrouver les miens et d’avoir franchi un cap, mais aussi l’envie de poursuivre. C’était comme une frustration que l’un des bénévoles a d’ailleurs bien ressentie : il m’a en effet dit que je pouvais sans souci gagner Souilhac avant la tombée de la nuit.

Mais je ne voulais pas partir sans Raphaelle qui m’a rejointe quelques minutes plus tard : elle avait en effet fait partie intégrante de mon aventure et je comptais la finir avec elle. J’avais de plus son aileron de rechange. Mais après discussion, nous avons décidé de nous en tenir là pour cette année. Je ne regrette rien, car je suis allée bien au-delà de mes prévisions. Mais étrangement, cette fin m’a laissée sur ma faim…

Un goût de reviens-y pour 2021 ?

La Bee sur sa planche Itiwit
La Bee sur sa planche Itiwit

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