Le récit de mon aventure sur le GR20 pour mon fils Théo contre la maladie de Lyme se laisse désirer.
Mais la vie est souvent pleine de surprises : un piratage de mon blog (je ne pensais pas qu’il suscite autant d’intérêt !), une rechute de la maladie pour mon fils, ma rééducation post opératoire, m’ont contrainte à délaisser quelque temps l’écriture.
Aussi je prends aujourd’hui un immense plaisir à vous narrer la suite de nos péripéties avec Morgane sur les sentiers du GR20.
Enfin pas exactement, car comme je vous l’avais dit dans le précédent récit, j’étais arrivée complètement éreintée au refuge.
Fièvre, toux, nez pris, douleurs, des symptômes persistants qui ne laissaient plus aucun doute pour une Bee qui connaît plutôt bien son corps : en effet, ma maladie et mes ultras m’ont appris à ne pas chouiner pour un rien et à déceler les anomalies.
Et la suite de notre périple a confirmé mes intuitions…
UN RÉVEIL EN DEMI-TEINTE
Se réveiller dans sa tente sur un emplacement du GR20 est à chaque fois comme un rêve éveillé !
Le soleil vient chauffer la toile.
Une fois le zip ouvert, un paysage grandiose de sommets s’offre à toi : mais j’avoue que cette bergerie de Vaccaghja était singulière.
Imaginez des blocs disséminés sur un genre de plateau en altitude, entouré de sommets.
Un ravissement pour les yeux !
Toutefois, c’est plutôt cette sensation de fièvre et de jambes frêles qui l’emporte.
Pour se remettre de nos émotions, nous avons tous trois décidé de nous offrir un bon petit-déjeuner avant de reprendre les sentiers : se faire servir n’est pas déplaisant, surtout après la journée de près de 35 bornes de la veille !
Confiture, café, biscottes, le tout pour 8 euros !
Même si le prix me paraît exorbitant, je n’ai pas envie de chipoter. On est quand même loin du café, croissant, tartines beurrées confiture, jus d’oranges pressées, qu’il m’arrive de prendre l’été sur le port pour le même prix !
Mais c’est un luxe de ne pas avoir à sortir sa popote et de quitter la routine des lyophilisés !
MISSION LYME AU CAFÉ
Est-ce parce que je me sens faible ? Mais mes premières pensées vont vers mon fils.
J’enfile immédiatement mon tee-shirt Lyme Event pour aborder les quelques randonneurs qui déjeunent avant de repartir.
Je suis étonnée de leur grand intérêt pour les informations que je dispense, d’autant qu’ils sont tous étrangers : un Italien, des Tchèques, un Allemand…
Je découvre aussi que mes dons de traductrice au réveil, avec la fièvre en prime, sont loin d’être évidents : en effet, décrire les conséquences éventuelles d’une morsure de tique dans plusieurs langues, quand tu as la tête embrumée, est un véritable challenge !
En revanche, je me découvre de véritables talents de mime… ou de pitre !
Peu importe, les dépliants sont distribués, les tubes donnés aux randonneurs qui se sont fait mordre sur le parcours : ma mission est donc accomplie.
Reste à savoir comment va se dérouler la journée…
DES PRISES DE DÉCISIONS RAPIDES
Nous lisons attentivement le topo-guide de Joan concernant la prochaine étape et tombons rapidement d’accord avec Morgane : vu notre fatigue, mes signes de faiblesse et le profil du parcours, il n’est pas raisonnable de suivre le tracé « classique ».
J’ai la désagréable sensation d’avoir une barre juste derrière la tête, qui me donne des douleurs lancinantes depuis quelques jours : je commence à soupçonner qu’un hôte indésirable s’est engagé dans mon organisme sans prévenir.
Nous demandons aux gardiens du refuge comment ils jugent le profil de l’étape suivante. Vu mon état et notre motivation, ils nous conseillent un itinéraire bis pour aller consulter un médecin éventuellement
Ils nous indiquent où se situe la première ville (et pharmacie) pour aller me tester. Ils évoquent immédiatement Corte, mais en précisant que le parcours est deux, voire trois fois plus long qu’en passant derrière les sommets.
Mais je ne me sens véritablement pas la force d’aller jouer les Alex Honnold aujourd’hui. Morgane est elle aussi fatiguée par le périple de la veille et ne me met aucune pression.
Nous tombons donc d’accord pour emprunter la vallée du Tavignano pour rejoindre Corte…
UN PARCOURS AUX ALLURES BUCOLIQUES
Nous quittons la bergerie de Vaccaghja non sans avoir longuement remercié les gardiens pour leurs précieuses précisions.
Nous savons que nous devrons doubler le kilométrage pour nous rendre jusqu’à Corte, mais j’ai besoin d’être fixée sur mes symptômes et de voir un médecin.
La première partie de cette variante serpente dans une jolie prairie, avec au loin le son joyeux du cours d’eau.
Nous cheminons plutôt rapidement et la chaleur devient vite insupportable, sans compter le poids de nos sacs.
Heureusement, très vite, nous parcourons des sentiers ombragés : en effet, de grands arbres se dressent. Puis ils font place à de jolis sous-bois.
Nous faisons de petites haltes pour nous rafraîchir, détendre nos jambes et nos épaules dans les eaux glacées du Tavignano.
Puis nous gagnons le refuge de la Sega…
UN EDEN AU CŒUR DES MONTAGNES CORSES
Que cet endroit est de toute beauté !
Nous arrivons devant de magnifiques piscines naturelles aux eaux limpides.
Contrairement à celles que nous avons découvertes sur le GR20 classique, il n’y a pas un chat… enfin une loutre !
Mais notre principale préoccupation reste le repas et l’hydratation : nous avons en effet pas mal tapé dans nos gourdes et avons marché à un bon rythme.
Nous optons pour la traditionnelle omelette au fromage et à la menthe.
Une fois les batteries rechargées, nous ne résistons pas à un petit saut dans la superbe vasque aperçue à notre arrivée.
Ce refuge au milieu de nulle part, sous les arbres et sans accès pour les voitures, m’a tout simplement enchantée : quel dommage de ne pas avoir plus de temps et de ne pas être en forme !
Je me suis promis d’y retourner un jour, certainement avec mini Bee, pour goûter pleinement le calme de cette oasis au cœur des montagnes.
Quelle pause ressourçante et idyllique avant de reprendre notre route !
UNE VALLÉE SANS FIN
Si longer les ravins de cette superbe vallée nous a séduites pendant plusieurs kilomètres, nous avons vite souhaité en voir le bout après quelques heures de marche.
Les nombreuses racines, les sentiers semblables à des montagnes russes, mon état fébrile, le genou douloureux de Morgane, puis la luminosité qui décline rapidement derrière les immenses parois rocheuses, ont grignoté peu à peu notre motivation.
Que dire de la rencontre avec les vaches corses qui squattaient toute la largeur des singles en dévers !
Impossible de les contourner comme la plupart des sentiers étaient à même la paroi !
Je me suis découvert des talents de bergère… ou l’envie de vite parvenir à destination m’a fait pousser des ailes !
Mais les secondes nous ont semblé des heures sur ce parcours.
J’ai même inventé un nouveau dicton, tant la lassitude s’installait : « Attention ! Une montagne peut en cacher une autre ! »
Une fois arrivées sur un parcours plus « roulant », j’ai proposé à Morgane de courir pour gagner plus rapidement (et surtout avant la nuit !) le camping dans lequel nous devions réserver un emplacement.
J’ai donc mis le turbo pour essayer d’atteindre Corte avant la tombée de la nuit : ma mission s’est soldée par une victoire.
Quand je me suis enfin assise à la table du restaurant du camping, j’ai pris la mesure de la journée que nous venions de passer : 20 h 15 ! J’avais marché quasiment non-stop depuis 7 h le matin, soit plus de 35 km avec des portions parfois techniques.
Morgane est arrivée près d’une heure plus tard dans le même état de fatigue.
Je crois n’avoir jamais avalé aussi rapidement une pizza, délicieuse par ailleurs !
Après une journée aussi difficile, nous avons apprécié le luxe de prendre une douche chaude, avant de gagner nos tentes séparées…
Pour moi, ce soir là, il n’y avait plus aucun doute sur la nature de mes symptômes…