Les championnats de cross et moi, c’est une grande histoire depuis plusieurs années.
Quand je suis arrivée en région parisienne, le club de running que j’avais intégré et dans lequel je suis restée plusieurs saisons m’avait proposé de les faire.
Mais je m’étais désistée un peu en dernière minute après avoir accepté : j’ai en effet perdu mon père cette année-là, juste avant.
Depuis, le mois de janvier n’a jamais été un mois où je m’engage sur des courses, le mental étant souvent parasité par des souvenirs.
Pour tourner une page, j’ai intégré à la mi-novembre cette année le club de ma ville, le PLM Conflans.
Ma nouvelle vie professionnelle ne me permet pas de suivre les entraînements collectifs : j’ai alors intégré un petit groupe de fusées que je peine bien à suivre, mais dont la bienveillance est telle que j’ai repris avec plaisir le chemin de la compétition.
Aussi lorsque le coach et le groupe m’ont poussée à participer aux championnats de cross, je me suis laissé embarquer.
Dimanche, je participais aux championnats de cross régionaux d’Enghien-les-Bains, après avoir obtenu ma qualification lors des départementaux.
Retour sur une course où il a fallu lâcher les chevaux…
UNE PRÉPARATION ÉCLAIR POUR LES CHAMPIONNATS DE CROSS
Inutile de préciser que je ne me suis pas vraiment préparée à ce challenge : je me suis en effet inscrite en dernière minute.
Pour tout vous dire, je n’avais même pas de pointes deux jours avant la compétition !
J’ai eu de la chance (ou pas), car Fred, le gérant de la boutique Rrunning Conflans, avait une paire à ma pointure.
J’ai ainsi pu participer aux départementaux de cross à Saint-Quentin-en-Yvelines, lors desquels je me suis qualifiée.
Je n’ai pas relaté cette course, n’ayant pas intégré ce qui se passait.
Ce baptême m’a simplement permis de me rendre compte de la difficulté de ces épreuves : je comprends mieux en effet pourquoi ces championnats de cross constituent un beau tremplin dans une saison.
Les conditions sont telles (bosses, boue, froid, relances, pluie, l’hiver quoi !) qu’il faut avoir les baskets bien accrochées !
Gagner en vitesse, se forger un mental de fer et prendre l’habitude de gérer le dur sont des bénéfices certains.
Mais trois semaines, c’est bien trop court pour arriver préparée correctement à l’épreuve qui m’attendait…
L’HIPPODROME D’ENGHIEN-LES-BAINS COMME TERRAIN DE JEU POUR LES CHAMPIONNATS DE CROSS RÉGIONAUX
12 h 30. Je prends le volant pour passer chercher ma comparse Christelle (oui, un prénom de mordues !) et faire la route ensemble. L’ambiance est au beau fixe, même si nous manquons quelque peu de motivation en voyant les nuages menaçants.
Christelle vient également d’arriver au club et n’est pas encore une habituée de ce genre de challenges.
La perspective d’aller tout donner dans un champ de boue, dans le froid et sous la pluie, ne nous paraît guère sexy pour un dimanche après-midi.
Mais nous fonçons tout de même vers Enghien, pensant à la douche chaude et à la sieste canapé qui viendront clore cette aventure.
13 h 00. Notre arrivée à l’hippodrome d’Enghien est quelque peu perturbée par un bouchon. Nous envisageons l’idée de rater le début de l’épreuve à cause de ce ralentissement, sans être particulièrement perturbées.
Nous pensons à ce moment n’avoir que peu de chances d’être qualifiées, comme on a d’ailleurs pu nous le faire remarquer.
Courir parmi des jeunes d’une vingtaine d’années quand tu en as le double, cela te plonge immédiatement dans la réalité.
Mais je ne viens pas pour la gloire, juste pour moi, pour mon cheminement personnel et sans pression : certaines personnes ont tenté de m’en mettre vainement autour de moi ces derniers temps.
La course à pied est ma passion, mon équilibre, rien ne pourra me l’enlever.
13 h 30. Après avoir revêtu mon tee-shirt du club et mes pointes, je pars m’échauffer. J’échange quelques mots avec les copains qui viennent de courir, prends des infos sur le terrain du jour et me glisse peu à peu dans ma bulle.
13 h 49. Je gagne la ligne de départ. Je ressens tous les enjeux compétitifs de ce type de course pour les jeunes femmes positionnées juste derrière la corde. Je me glisse un peu vers la troisième ligne, pour ne pas me laisser embarquer par le départ.
LES CAVALES EN FOLIE
Au coup de feu de départ, tu comprends immédiatement que tu n’as pas été qualifiée pour enfiler des perles.
Comme on le dit familièrement, ça envoie du lourd !
Happée par le peloton, je pars sans doute un peu rapidement, avec les premières cavales en ligne de mire : fidèle à mes habitudes, j’oublie ainsi de déclencher mon chrono (ce qui en soi n’est pas une mauvaise chose finalement).
Mon souffle d’asthmatique me rappelle assez rapidement à l’ordre, après le deuxième virage de cette première boucle. J’adapte mon rythme et me recentre sur mes ressentis.
Alors on ne parlera pas d’un rythme de croisière, même si je retrouve un peu de confort. J’ai quand même l’intention d’envoyer un peu.
Puis je prends rapidement conscience des indications des copains : beaucoup de faux-plats, des virages en épingles, un terrain glissant.
Pour couronner le tout, la pluie tombe assez fortement, piquant les yeux. De fortes rafales balayent certaines portions du parcours.
J’entends les encouragements des copains tout au long de la boucle, mais reste dans ma bulle, accrochant deux compétitrices avec lesquelles nous avons joué des coudes sur le départ.
Quelques pensées parasites tentent de prendre le dessus : « Pourquoi j’ai accepté de venir là ? Tu ne serais pas mieux dans ton canapé, au chaud ? Ce n’est pas ta discipline, tu es ultra traileuse ! »
Mais magie de mon cheminement en yoga, elles s’évaporent. Hors de question de m’arrêter là ! Je vais vivre l’expérience à mon niveau.
Dernière boucle ! J’ai en ligne de mire la même féminine qu’à Rambouillet. Incroyable !
Je dois m’accrocher. Je peine à prendre les virages rendus glissants par les multiples passages : je glisse, m’accroche à un poteau, peste. Mais je ne lâche rien.
J’aperçois deux copains du club, qui se mettent à courir à mes côtés, tout en m’encourageant fermement. Un double sentiment m’assaille : j’ai d’une part envie de leur crier d’arrêter de me hurler dessus, que je suis au bout de mes forces, et je me sens à la fois portée par leur bienveillance. J’ai envie de puiser dans ce qu’il me reste d’énergie pour aller chercher une nouvelle place.
Dernière ligne droite : j’aperçois l’arche. Tout donner, sprinter… On avisera après !
J’accélère la cadence, la casaque rose s’élance à grandes enjambées devant les tribunes : fin du game !
MES IMPRESSIONS DE BEE SUR CES CHAMPIONNATS REGIONAUX DE CROSS
Je franchis la ligne avec la satisfaction de l’accomplissement.
Une nouvelle aventure à mon actif, et pas des moindres.
Les copains arrivent pour me féliciter et m’annoncer que je suis dans les 50 premières. Contre toute attente, je suis certainement qualifiée.
Mais dans l’immédiat, ce n’est pas ce qui m’intéresse : je me poste en effet derrière l’arche pour encourager les copines qui ne sont pas encore arrivées.
Avec Christelle, nous éclatons de rire, contentes d’être venues à bout de ce challenge de barbares.
L’explosivité, ça se travaille !
Je l’ai bien compris : mais j’ai particulièrement apprécié l’attitude de mon coach qui ne m’a mis aucune pression dès le départ. « Fais-toi plaisir ! »
Ses mots ont résonné depuis trois semaines dans ma tête, même s’il nous a concocté des entraînements exigeants dans le froid.
Néanmoins, les quelques semaines d’entraînement m’ont permis de renouer un peu avec la vitesse qu’on a tendance à négliger sur les trails au profit du D+. Une erreur peut-être, pour se démarquer notamment sur les relances.
On verra bien si cet épisode sera profitable pour mes objectifs à venir.
Je finis 52e au classement général, en 34 minutes. Pas mal pour une M3 !
Cerise sur le gâteau, je suis bien qualifiée pour les demi-finales des championnats de cross de France.
Mais ça, c’est une autre histoire…
Merci aux copains et amies qui m’ont encouragée à vivre cette aventure, au coach et à mon club, ainsi qu’à Stéphane et Benjamin pour leurs clichés en pleine action.